Donner vie et donner à vivre : l’évocation chez Marceline Desbordes-Valmore

Clara Sarrazin a soutenu à Sorbonne Université un mémoire de master 1 de lettres (parcours langue française) sous la direction de Jacques Dürrenmatt, intitulé « Donner vie et donner à vivre : l’évocation chez Marceline Desbordes-Valmore ». Elle présente ici brièvement son étude.

« Un groupe de mots dont toutes les propriétés esthétiques sont exploitées devient, à la fois, tableau, symphonie et farandole1 » écrit Gustave Lanson. La pratique poétique de Marceline Desbordes-Valmore illustre ce principe par sa puissance d’évocation2

Comprendre comment fonctionne ce principe d’évocation dans l’œuvre versifiée de Marceline Desbordes-Valmore, en suivant le mouvement de l’imagination, telle était l’ambition de ce mémoire, qui part du processus créateur dans l’esprit de la poétesse, analyse les procédés stylistiques et leurs effets sur les lectrices et lecteurs lors de la réception des poèmes. Il s’agit de contribuer à mettre en lumière les œuvres valmoriennes qui méritent d’être célébrées parmi celles des grand·es poètes, et célébrer la force poétique des mots alors que notre société est dominée par la fonction de communication du langage.

Dans l’œuvre poétique de Marceline Desbordes-Valmore, le principe d’évocation naît loin des normes du monde littéraire et d’un besoin de s’approprier la langue : la poétesse s’est mise à écrire des vers sans formation académique, se risquant dans un domaine à prédominance masculine. Elle se forge une écriture grâce à sa fréquentation de milieux sociaux divers, et à ses nombreuses lectures qui lui permettent de se doter d’un langage évocateur. 

Textuellement, l’évocation se déploie sous de multiples formes dont deux s’imposent par leur intensité et leur récurrence. D’une part, l’omniprésence des sens qui, puisant dans les des souvenirs, convergent pour enraciner l’évocation dans des expériences réelles. D’autre part, le recours à un monde entièrement vivant et métaphorique dans lequel la figure lyrique en constant mouvement apparaît multiple : elle peut être amante blessée, eau douce, ou mère3. L’évident besoin de métaphoriser qui se révèle là répond au pouvoir émotionnel et imaginaire de la poétesse, mais aussi de ses lectrices et lecteurs. Il semblerait donc que le processus évocateur ait aussi un ancrage cognitif.

Ainsi le principe d’évocation n’arrive-t-il à terme que lors de la lecture. Par la convergence de ces deux dimensions cognitive et discursive, l’évocation devient une expérience de vie complète pour les lectrices-lecteurs, ainsi que pour la poétesse qui vit à nouveau, ou autrement, les expériences rapportées.

L’exploration de ce processus évocateur dévoile une écriture à la fois pleinement de son temps et audacieuse, un monde imaginé et inspiré, et révèle une poétesse dont le pouvoir d’inspiration combine intelligence et sensibilité. Finalement, Marceline Desbordes-Valmore ne se contente pas de relater ses expériences douloureuses mais par la force de son imagination, elle donne vie aux choses dont elle parle et donne à vivre à ses lecteurs et lectrices.

J’ai l’intention de poursuivre cette recherche en dédiant un second mémoire au sujet lyrique dans la poésie de Marceline Desbordes-Valmore. Je m’interrogerai plus précisément sur la façon dont le « je » lyrique devient multiple sous la plume desbordes-valmorienne.

Clara Sarrazin, Sorbonne Université


1 LANSON Gustave, L’Art de la prose, Paris, Librairie des annales politiques et littéraires, 1908, p. 14.

2 DOMINICY Marc, Poétique de l’évocation, Paris, Classiques Garnier, 2011.

3 La liste est loin d’être exhaustive.