Marc, Marceline

Lucie Desbordes*

J’ai fait la connaissance de Marc Bertrand lorsque j’ai commencé à travailler sur Marceline Desbordes-Valmore, au cours de ce qui s’appelait alors un DEA de Lettres Modernes. J’étais à la recherche d’études sur l’écriture de Marceline Desbordes-Valmore, et sans doute aussi inconsciemment à la recherche d’une filiation.

Marc et moi avons échangé autour de Marceline Desbordes-Valmore, que nous avons rapidement choisi d’appeler familièrement « Marceline », et qui est devenue peu à peu une figure emblématique de l’amitié. Et puis rapidement, nos discussions n’ont plus porté uniquement sur Marceline mais elles sont restées « marceliniennes » : une forme d’amitié profondément sincère, au-delà de l’espace et du temps.

Marc, Marceline, deux prénoms qui commencent sur les mêmes lettres. Et Marceline a véritablement guidé Marc dans son chemin de vie, tant professionnel que personnel. Cette rencontre, à un siècle de distance, a non seulement permis à Marc d’élaborer un parcours universitaire érudit, original et unique (j’aimais ce jeu qui consistait à proposer à Marc n’importe quel vers de Marceline : il était capable de retrouver le titre du poème et le nom du recueil), mais aussi, peut-être, de poursuivre un chemin intérieur dans les traces de Marceline parce que leurs sensibilités se répondaient si bien.

Marc plaçait très haut Marceline, revendiquant pour elle une posture et une place uniques dans l’histoire littéraire du XIXe siècle. Il était profondément attaché au catholicisme social qu’elle pratiquait. Tout comme elle, Marc avait l’esprit d’altérité ; foncièrement humaniste, il détestait l’immobilisme des idées, la sclérose des esprits limités, qui n’étaient pour lui que ruine de l’âme et perte des êtres humains. Tout comme elle, Marc possédait naturellement la générosité du cœur et la sincérité de la parole, qui masquaient des épreuves vécues dans le silence et la pudeur.

Bien qu’il ait une vaste bibliographie à son actif sur son auteure préférée, Marc n’a pas écrit que sur elle. Ses choix reflétaient sa sensibilité : il écrivait aussi des pièces de théâtre (acte politique au sens noble du terme), ainsi sur Socrate, personnage dont le choix de vie (et de mort) l’impressionnait.

Je crois qu’au-delà de tout son apport à la redécouverte et à l’étude de Marceline Desbordes-Valmore, ce que je retiens aujourd’hui de Marc c’est l’image d’un parcours à méditer, d’un chemin source d’inspiration pour ceux qui l’ont connu et côtoyé, d’une notion « marcelinienne » de l’existence et, bien plus encore, un grand-père de cœur.

Que mon nom ne soit rien qu’une ombre douce et vaine,
Qu’il ne cause jamais ni l’effroi ni la peine !
Qu’un indigent l’emporte après m’avoir parlé
Et le garde longtemps dans son cœur consolé !
Marceline Desbordes-Valmore,
Poésies inédites, 1860.

Lucie Desbordes est enseignante et romancière, membre de la SEMDV. Elle a publié en 2016 chez Bartillat Le Carnet de Marceline Desbordes-Valmore, roman.