À la mémoire de Marc Bertrand

Pierre-Jacques Lamblin*

Ma sœur, j’ai vu la mort à la triste lumière
Qui passa tout à coup dans le fond de mon cœur …
Marceline Desbordes-Valmore,
À ma sœur, 1825.

J’ai, hélas, trop peu connu Marc Bertrand, mais assez pour apprécier son humanité et sa connaissance encyclopédique de l’œuvre de Marceline Desbordes-Valmore.

Il y a ses publications toujours vivantes, et surtout celle des Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore1, indispensable à qui veut mener une expédition dans l’œuvre imprimée et dans les manuscrits de la poète, à Douai et ailleurs.

Mais il y a eu avant tout l’homme, gentil, d’humeur et d’humour affables, que j’ai rencontré trois fois à Douai. Lors de notre première rencontre, fin 2001 ou début 2002, alors que, manuscrit de poème en main, je le prenais à témoin de mes inquiétudes quant à la masse à inventorier des écrits valmoriens, je l’ai vu soudain se figer de surprise, me demander de lui montrer de plus près le poème et je l’ai entendu me dire : « Je crois que c’est un inédit. » C’en était un, qu’il publia par la suite2.

Nous eûmes aussi quelques conversations par courriel, moyen pour lequel cet homme de l’écrit savant sur papier avait une inclination limitée, mais qui nous permit des échanges au cours desquels j’ai eu le plaisir de lui rendre quelques menus services, par exemple en lui donnant ma lecture de mots de Marceline qu’il avait lus lui-même jadis, mais sur lesquels il avait un doute lors de la relecture de ses notes.

Car Marc Bertrand fut un pilier de la bibliothèque douaisienne qui porte aujourd’hui le nom de la poète de sa vie. Je reste confondu d’admiration rétrospective devant l’ampleur du travail qu’il y a accompli, à l’époque où l’ordinateur personnel était encore du domaine de la science-fiction et où prendre des notes et, surtout, transcrire des manuscrits poétiques souvent raturés, fragmentaires et sans titre signifiait « gérer » des kilos de papier. L’intrépide chercheur fit aussi des incursions dans la correspondance active de Marceline Desbordes-Valmore et, là encore, je suis admiratif devant le courage qu’il eut à affronter une masse de documents alors sommairement classés et non inventoriés, comme ceux des œuvres poétiques.

C’est beaucoup grâce à Marc Bertrand que Marceline Desbordes-Valmore vit encore pour les amoureux de son œuvre ; lui qui a tant aimé la poète et admiré la femme n’est pas mort, lui non plus. 

*Pierre-Jacques Lamblin est ancien conservateur général et directeur de la Bibliothèque Marceline Desbordes-Valmore à Douai, et vice-président de la SEMDV.

 

1 Presses universitaires de Grenoble, 1974. 2 vol.

2 Poème sans titre : Par l’enfant qui porte des ailes / Je te jure, Olivier, les plus tendres amours … Publié dans : Marceline Desbordes-Valmore. Œuvre poétique intégrale … par Marc Bertrand. Lyon : Jacques André éditeur, 2007.